Difficile de déterminer quand parler de jeu compulsif. Plusieurs faits distincts se rattachent à l’addiction au jeu, en étant toutefois des notions abstraites. Pour mieux les appréhender, il faut identifier deux éléments. D’abord une propension à tutoyer le hasard, ensuite la notion de perte. Au-delà de ces éléments, il existe selon Freud une origine encore plus profonde qui découlerait du complexe d’Œdipe. Selon Freud, comment sonder la complexité qui résulte des jeux d’argent ?
Au fil des siècles, les jeux de hasard n’ont fait que se développer de manière incontrôlable. À l’origine décriés, par la suite tolérés, ils font l’objet d’une réglementation stricte. Il n’en demeure pas moins qu’ils restent aujourd’hui très controversés. Leurs répercussions sur la société sont considérables car ils revêtent une dimension socio-économique. Conscient de cet enjeu qui a toujours été d’actualité, Freud à l’instar de ses contemporains s'est penché sur la question d’addiction au jeu ainsi que sur ses causes profondes.
Ce qu’il faut dégager de la conception de Freud sur le jeu est qu’il s’agit d’une pathologie qui se manifeste par des symptômes palpables. De plus, cette pathologie puise son origine d’éléments psychiques. Dans son célèbre ouvrage « Dostoïevski et le parricide » publié en 1928, Freud aborde la question dans sa dimension psychanalytique. Le joueur vit en quelque sorte dans l’illusion. Une illusion selon laquelle il est soit foncièrement chanceux, soit malchanceux. Il n’arrive pas à faire accepter à sa conscience que l’issue des jeux ne résulte pas de lui, mais plutôt de la loi de probabilité. C’est pourquoi il est très difficile de venir en aide à un joueur compulsif, à moins qu’il ne se rende compte de son problème.
Celui qui s'adonne aux jeux de hasard est pris au piège dans une succession d’échecs et de gains. À chaque fois qu’il gagne, il est galvanisé par une euphorie momentanée qui s’assimile au plaisir. Par contre, lorsqu’il perd, il en découle frustration et déplaisir. Selon Freud, ce cycle au cours duquel se succèdent victoires et échecs n’est pas sans rappeler les différents stades du plaisir. Avec l’avènement des casinos en ligne, la qualification du jeu comme étant une pathologie est devenue encore plus complexe.
Toutefois, pour qu’un joueur soit considéré comme un joueur compulsif, il faut qu’il existe la notion de répétition. Il ne suffit donc pas de jouer de manière occasionnelle. Il faut que la personne se complaise à jouer de façon irrépressible. Le joueur devient ce qu’il convient d’appeler un masochiste qui éprouve un plaisir malsain de se voir éprouver par les cycles d’échecs qui se succèdent. Cette assertion permet alors de définir le jeu comme une névrose, un désir programmé de perdre. Il s’agit surtout d'une pression mentale qui va à l’encontre des intérêts du joueur. Quand bien même ce dernier en prend conscience, il ne parvient pas à se sortir de ce cercle vicieux.
Selon la psychanalyse freudienne, l’addiction au jeu découlerait d’un désir encore plus complexe. Il s’agit d’un désir réprimé de voir la mort du père. Ce parricide refoulé serait à l’origine du désir inassouvi de se perdre complètement dans le jeu, sans réussir à s’extirper de l’addiction. Afin de se châtier de nourrir des désirs aussi sombres, l’homme s’adonnerait de manière inconsciente à la passion du jeu. Les jeux d’argent deviennent ainsi une manière pour lui de s’autopunir de désirer « la mort du père ».
Le fait de s’adonner au jeu de manière incontrôlable serait donc dû au fait de contenir depuis trop longtemps ses désirs libidineux secrets. Le joueur oscille donc entre le plaisir et la réalité, tantôt, il gagne, tantôt, il perd. Chaque gain ne constituant qu’une récompense momentanée puisqu’aussitôt passée la fièvre de la victoire, il n’arrête pas de jouer pour autant. Dans ce cadre, l’argent ne fait pas le bonheur. Quel que soit le montant du gain, le joueur ne parvient jamais à être totalement satisfait. L’argent permet seulement de goûter à un moment de satisfaction fugace qui a vite fait de s’éteindre. Le joueur ne mesure alors pas son bonheur au montant de ses victoires, encore moins à leur nombre.